dimanche 5 octobre 2025

Thaïs, la victoire de la lenteur

Dimanche dernier, c'était donc la découverte de Thaïs. La seule conclusion que j'ai tirée en lisant l'argument, avant la représentation, c'est « Whoaaaa on va bien se faire chier pendant 3 heures ». Heureusement, il y avait tout le reste.

Parce que l'argument, question vacuité, il se pose là.

Athanaël, qui est à la joie de vivre ce que DJT est à la décence et à l'intelligence, n'en peut plus que Thaïs, actrice, courtisane, et prétresse de Vénus à Alexandrie, vive sa vie. Non, vraiment, une femme libre, ça n'est pas acceptable. Il décide donc de la ramener dans le droit chemin. Thaïs, convaincue, va s'enfermer dans un couvent où, miracle du repentir, elle s'achemine assez rapidement vers la mort. Athanaël réalise qu'il était moins intéressé pour sauver Thaïs que pour la sauter et se rend au couvent mais arrive (presque) trop tard et ne peut qu'assister à l'agonie finale.

Voilà. Vous me faites trois actes d'une heure chacun, avec respectivement deux, deux et trois tableaux. Duraille, non ?

Sauf que. La mise en scène était sublime. La musique aussi, et l'alliance des deux s'est révélée une alchimie très réussie sur l'ensemble des tableaux.

Bien que le livret du spectacle indique « nouvelle production », la mise en scène de Stefano Poda n'est pas récente (Théâtre régional de Turin, 2008), ce qui n'ôte rien à sa qualité. Le décor ne change pas durant les trois actes, les jeux de lumière modifiant totalement l'ambiance selon les tableaux, dont beaucoup sont tout en ombres à moitié floues. Le corps de ballet réalise le travail remarquable de ne presque rien faire, par des mouvements extrêmements lents, qui accompagnent parfaitement le manque d'action et remplissent tout l'espace scénique. C'est redoutable, parce que cela nous amène (les spectateurs) à nous concentrer sur les deux ou trois interprêtes sur scène.

Par exemple, dans la scène de la très connue Méditation de Thaïs, il ne se passe absolument, strictement rien. Thaïs (Rachel Willis-Sorensen) marche à pas très lents sur scène, contournant les balletistes, lesquels ne bougent pratiquement pas mais un peu quand même. Le tableau n'est pas figé, le seul élément perceptiblement mobile étant Thaïs, qui ne doit guère faire plus d'une vingtaine de pas sur toute la durée du tableau. Et on l'accompagne dans ses réflexions, portés que nous sommes par la musique, le clair-obscur de la scène, et la lenteur de la non-action.

Le premier tableau, dans lequel Athanaël (Tassis Christoyannis) montre toute sa déception quant à la dépravation du monde, d'Alexandrie et de Thaïs et sa volonté de sauver cette dernière, donne le ton de l'ensemble de la mise en scène. C'est sombre, orangé, et les corps entremélés sur le sol, à moitié nus[1] et presque immobiles, font penser qu'on s'est trompés de spectacle et qu'on est tombés en pleine orgie.

Premier tableau - (c) Mirco Magliocca

L'arrivée à Alexandrie, chez Nicias (Jean-François Borras) est dans des teintes d'un blanc glacial, avec des personnages très habillés, en total contraste avec le premier tableau :

Alexandrie, chez Nicias - (c) Ramella e Giannese

Il est d'ailleurs intéressant de noter que les couleurs chaudes, sensuelles, et les corps à demi-nus enchevêtrés, c'est dans la congrégation religieuse, supposée être la forteresse de la pureté, et que les couleurs froides, stériles, les corps distants et habillés, c'est dans ce qui est sensé être l'antre de la débauche, Alexandrie et la vie de Thaïs.

Il y a deux tableaux où le corps de ballet bouge un peu : la danse durant la fête chez Nicias, et la course d'Athanaël dans le désert et la tempête, lorsqu'il retourne au couvent où Thaïs est en train de s'éteindre :

Danse chez Nicias - (c) Mirco Magliocca La course dans le désert - (c) Ramella e Giannese

Dans le tableau de la course dans le désert, les balletistes courent presque sur place (ils traversent toute la scène, mais mettent 5 bonnes minutes, peut-être plus, à le faire), le vent se lève, des feuilles mortes volent. Il n'y a aucune action effective qui ferait avancer l'histoire[2], seulement la musique, et pourtant on partage les efforts des fuyards et leurs difficultés à avancer face au vent.

Je ne veux pas conclure ce billet sans évoquer deux petits bonbons que j'ai particulièrement savourés, bien qu'ils soient tous deux relativement courts. Ce sont les rôles de Crobyle (Thaïs Raï-Westphal) et Myrtale (Floriane Hasler)[3], de la maisonnée de Nicias. Les deux voix se marient très bien ensemble, elles se répondent tout aussi bien l'une à l'autre, les rires des deux interprêtes lorsqu'elles se moquent d'Athanaël claquent bien sans paraître trop forcés[4]. J'ai vraiment aimé.

Donc, ce fut un excellent moment. Il faut juste débrancher le cerveau pour ne pas s'affliger de l'indigence de l'argument, et laisser les yeux et les oreilles faire le travail.

Notes

[1] Les costumes des balletistes sont parfois réduits à leur plus simple expression. Moins que ça et on risque la censure.

[2] Si tant est qu'on puisse prétendre qu'il y en a une.

[3] Franchement, qui appelerait ses filles Crobyle ou Myrtale ? C'est de la maltraitance.

[4] On est quand même à l'opéra, les rires n'ont rien de naturel.

vendredi 19 septembre 2025

Je suis joueur (ou masochiste)

Clavier ergonomique à 42 touches

Au commencement était AZERTY (40 années de pratique, j'ai commencé très jeune -- et j'ai toujours ma vieille machine à écrire). Puis vint BÉPO (8 dernières années). Et maintenant, ERGOL. Je souligne dès à présent que ce n'est pas l'ordre des lettres du premier rang (QCOPW est un peu difficile à prononcer).

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mardi 19 août 2025

Épices et tout !

Colonne pouvant contenir trois pots à épice.

Le projet, si je peux l'appeler ainsi, remonte à la première moitié de 2023. Le cahier des charges est simple : bien organiser les pots à épices qui prolifèrent anarchiquement dans la cuisine. Du fait de la dite prolifération, la solution envisagée doit être (relativement) facilement extensible. Ce critère d'extensibilité a éliminé les solutions que l'on trouve dans le commerce, dont les tailles (en nombre de pots) sont fixes, même si l'on peut arguer qu'en rachetant un autre machin, l'ensemble est extensible.

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lundi 28 juillet 2025

Petite réparation

Face interne du bouton, avec l'axe de fixation brisé

Comme je l'ai souligné dans ma toute première note à ce sujet, l'un des grands intérêts que je vois à l'impression 3D est dans la réparation de pièces en plastique.

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vendredi 4 juillet 2025

J'ai pas le cul sorti des ronces

La phase « discussions avec l'assurance » est terminée. Le montant de l'indemnisation a été fixé. Il m'oblige à revoir significativement à la baisse un certain nombre de travaux, parce que faut quand même pouvoir payer les artisans (des idées que j'aurais bien aimer concrétiser maintenant le seront peut-être dans les 10 années qui viennent, en fonction des finances).

Sauf que mes voisins bloquent la reconstruction de ma maison.

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vendredi 30 mai 2025

Saison lyrique 2025-2026

Les choix sont faits, il a fallu arbitrer parce qu'on ne peut pas aller à tout... Ce sera donc Thaïs Don Giovanni Casse-noisettes (demandé par la petite-fille, donc obligé) Carmen Hormis Thaïs, que nous n'avons jamais vu, toutes les autres œuvres seront des révisions. Parfois, il faut revenir dans  […]

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lundi 26 mai 2025

Le Vaisseau Fantôme

Tempête en mer du Nord, 1865 ; musée Aivazovsky, Féodosia, Ukraine

Nous sommes allés voir « Le Vaisseau Fantôme » hier, à l'Opéra du Capitole. Ce fut un bon moment, malgré Wagner.

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mercredi 14 mai 2025

C'est désespérant, mais râler fait avancer les choses

Mon précédent billet sur ce sujet faisait état de mon profond désaccord quant à ce que l'expert d'assurance et le maître d'œuvre envisageaient comme organisation des travaux. Apparemment, cela n'a pas suffit. Je me suis donc fendu, début mai, d'une jolie lettre destinée à mon assurance.

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