On connait tous (enfin, les ceusses qu'ont d'la culture) ces tragédies grecques où le héros, malgré toutes ses qualités, malgré tous ses efforts, souffre, chancelle et succombe car tel est le désir des Dieux.
Ou ces films dans lesquels le héros lutte contre ses vices et pulsions, image après image. Et perd le combat, sans jamais l'avoir abandonné, s'immergeant de nouveau dans sa déchéance.
Je suis le héros de ces tragédies, de ces films. En parler me permettra peut-etre, peut-etre, d'éloigner la prochaine chute, le prochain plongeon.
L'oisiveté est mère de tous les vices. Je le sais depuis longtemps, et je m'assure toujours d'avoir suffisamment à faire le week-end, afin d'occuper corps et esprit. Vendredi, j'ai réalisé que je n'avais rien envisagé pour ce week-end. Rien de précis, rien de long, rien qui puisse m'occuper, me distraire de mes pulsions.
Samedi, je n'ai pas eu trop de mal à me maitriser. Lire très tardivement m'amène à me lever aussi tardivement. Une bonne partie de la matinée a ainsi disparu dans les brumes du sommeil. Préparer la liste des courses -ne penser à rien qui puisse me faire basculer fut le plus dur- puis aller faire les achats m'a permis d'aborder l'après-midi sans incident notable; je me suis maitrisé sans grand mal dans les rayons où j'aurais pu acquérir tel produit directement lié à ma perdition. En milieu d'après-midi, rendez-vous impromptu pour la visite guidée d'une cathédrale de la région. Toujours, au fond de moi, les démons s'agitaient. Mais de proche en proche, j'ai pu, me trompant en permanence, glisser jusqu'au soir sans qu'une crise ne se déclenche. Je sais qu'au-delà d'une certaine heure, je n'ai plus à me craindre.
Dimanche... Couché tot, levé tard. Matinée presque sauvée, mais déjà je sentais en moi la brulure du désir, ses élancements. Midi sonne... le repas... le café... peut-etre déjà, en moi, la défaite était-elle écrite. Je l'ai fait reculer jusqu'à 13 heures environ. Jusqu'à ce que mon regard le croise. Que faisait-il là d'ailleurs ? Il aurait du etre rangé, loin, à l'abri, sous clé. Je me souviens encore lorsque je l'ai acheté, dans un magasin spécialisé dans ce type de produits. Le vendeur m'expliquant, par le menu, les capacités de l'engin, ses différents usages, son autonomie. Moi, en apparence maitre de mes émotions mais tremblant de tous mes membres à l'idée meme d'une telle acquisition. Rouge, une hampe longue, souple et rigide à la fois...
J'ai basculé d'un coup, perdant toute retenue, jetant aux orties toute maitrise de moi, descendant marche à marche jusqu'au plus profond de l'avilissement.
D'abord s'assurer que les fenetres sont fermées, les rideaux tirés. Si jamais les voisins me voyaient, quel scandale !
Puis revétir les vetements appropriés, achetés spécialement dans ce but et qu'à chaque fois je me jure de jeter. Frissons qui me parcourent déjà tout le corps. J'hésite entre le dégout de moi et l'extase.
Ensuite, réunir tous mes petits jouets, tout ce dont je vais avoir besoin pour m'assouvir. Respiration lourde, lente... je sais que j'ai perdu, mais pourtant les lambeaux de controle qui me restent me permettent encore de faire illusion quelques secondes... Avant que l'orgie ne commence, qui à jamais me met à l'écart des gens normaux.
Lessive, vaisselle, repassage, ménage.
La tornade blanche.
J'ai honte.
Comme dans une tragédie grecque
dimanche 14 septembre 2003. Lien permanent Points de vie
3 réactions
1 De [Inconnu] - 14/09/2003, 23:42
2 De [Inconnu] - 14/09/2003, 23:45
3 De [Inconnu] - 18/09/2003, 17:16
n'empeche belle écriture, bien agréable à lire et bon suspens... merci de l'humour...