Pour préambule (ça va devenir une habitude), je suis opposé à ce mouvement de pensée visant à féminiser tout nom masculin dès lors qu'il est appliqué à une femme. Je trouve que Madame le ministre, ainsi que Madame le maire et bien d'autres, sont particulèrement élégants. Restant logique à moi-même, j'estime que l'application inverse est tout aussi justifiée (monsieur la sage-femme, bien plus compréhensible que monsieur le maïeuticien). Et donc, pour revenir au titre de la note, la ménagère, ici, c'est un pauvre gars (moi) qui a (il lui en prend de temps à autre l'humeur) décidé d'inviter quelques amis (7, comme les sept nains, mais je n'ai rien de Blanche Neige) à dîner chez lui un soir (samedi dernier).

Le top départ est fixé au jeudi soir, pour l'approvisionnement en vue des agapes du samedi.

Le dessert demandant un ingrédient bien précis, j'écume les rayons de la grande surface où je suis allé perdre mes pas. Gnagnagna c'est pas ça c'est pas ça c'est toujours pas ça... Peut-être aux produits exotiques ? Hmmm... Examen rapide, y'a pas ce qu'il faut. Damned. Y'a presque ce qu'il faudrait, mais presque ne me suffit pas. Et soudain mes yeux ébahis tombent sur l'étiquette tant recherchée, sur le linéaire : lait de coco. Hop, mon regard ébloui se lève de quelques centimètres vers les produits ainsi désignés... pour tomber sur le seul emplacement totalement vide du rayon. En bref, ils en ont eu, mais ils ont osé tout vendre avant mon arrivée, les vils traîtres.

Bien ma veine, ça. Ne reculant devant aucune action pour atteindre mon objectif, je m'en vais à l'accueil afin de demander (courtoisement mais fermement) un réapprovisionnement d'urgence dudit produit. L'accueil des grandes surfaces, tout le monde en a vu. Même moi. Et même, parfois, je vais y poser des questions. Mais celui-là est bien spécial. C'est un aquarium, en cela qu'il est vitré (bon, pourquoi pas, mais les poissons qui dedans sont pas terriblement exotiques). Où est donc la fenêtre pour interpeller les hôtesses ? Oukélé ? Hein ? Où donc ?

Ca, c'est le deuxième coup de traître du magasin. Y'a pas de fenêtre, fenestron, hygiaphone, micro, tam-tam ou barbecue-à-signaux-de-fumée pour poser une question aux hôtesses. Enfin si, je suis méchant, il y en a un mais uniquement du côté de la galerie commerciale, pas du côté du magasin. En un mot, on est déjà dans le magasin, on n'a qu'à acheter, pas à poser des questions. C'est quoi leur slogan déjà ? Nous aider à mieux consommer, je crois... Mouais. Et les filles ne bougent pas, bien qu'elles me voient avec (j'imagine) tout à fait la tête de quelqu'un qui veut poser une question.

Je retourne donc, dépité et de mauvaise humeur, vers le rayon, et j'alpague un brave réapprovisionneur de linéraires, ne le lâchant que lorsqu'il a bien compris mon besoin, son urgence et l'importance d'une diligence totale quant à sa résolution. Une dizaine de minutes passe. J'entends le bruit caractéristique du trans-palettes utilisé dans les magasins. Le type ramène une centaines de briquettes de lait de coco. Très fort. Il ne m'en faut qu'un litre, mais j'apprécie quand même, je le remercie et zoum. J'y vais.

Nous sommes maintenant samedi matin. Le plan de la journée est clair : matin rangements et nettoyages divers, après-midi cuisine. Rien à dire sur le matin, tout se passe à peu près comme il faut. Repas rapide, et je sors les ingrédients et mes recettes. Organisation oblige, je vérifie que j'ai tout ce qui'l me faut.
Comment ça il me faut quatre oeufs de plus ? Quatre et trois sept et deux neuf par deux dix-huit, plus quatre vingt-deux. Merde, où est-ce que je me suis planté lors du précédent calcul ? Et la supérette du bas de la rue n'ouvre qu'à 14:30... Bien ma veine, je ne peux pas commencer tout de suite. Le stress s'installe.

14:30, je fais l'ouverture de la supérette, j'ai ma boîte de six oeufs, je rentre. Je commence à faire chauffer l'eau sucrée (pour du faire caramel, au cas où vous ne sauriez pas) et je me lance dans mes mixtures. Je relève la tête vers la pendule, qui indique 3 heures. Calcul rapide, l'invitation est pour 18:30-19 heures, donc j'ai encore hmmmm 6 heures devant moi. Cool, le stress repart, j'ai du temps. Je continue tranquille. Coup d'oeil à la pendule, 15:30, il me reste donc... aaaarghhh environ trois heures je me suis trompé dans le calcul précédent. Le stress revient, lourd, oppressant et carrément pénible.

Et ce caramel, alors, il se fait oui ou non ? Je n'attends plus guère que lui, mais il ne prend pas. Lentement les minutes s'égrennent, et le caramel ne prend toujours pas, ne caramélise pas, rien. 'foiré. Soudain mon odorat affiné sent clairement l'odeur du caramel. Haha enfin ! Je vais vers les casserolles... et je trouve un bloc informe, dans le plus pur style Grand Lac Salé, sauf que c'est du sucre et pas du sel. Inutilisable. Argn. Pour recommencer, il faudrait retirer tout ça de la casserolle et je n'ai pas le temps. Sans compter que si je rate encore une fois...

16 heures, le gérant de la supérette me voit de nouveau débarquer, pour acheter du caramel liquide (j'ai honte, mais mon honneur d'hôte est à ce prix).

16:15, de retour chez moi, je mets le mélange lait et lait de coco à bouillir, je chauffe le four, je beurre les récipients pour la crème, je met le caramel au fond. Plus qu'à attendre que le lait entre en ébullition. Autant passer au plat suivant, facile celui-ci, je maîtrise. Faire fondre le chocolat au bain-marie... Chocolat ? Comment ça j'ai oublié les plaquettes de chocolat ? Je me mets à fouiller, fébrilement, dans mes placards mais ne trouve rien.

Pour être honnête, ma recherche est brutalement interrompue par le crépitement caractéristique dit du-lait-qui-se-sauve. 'tain le con ! Je glisse rapidement vers la cuisinière, retire la casserolle du feu... Va falloir nettoyer, parce que le lait brulé, ça sent mauvais. Je finis le premier plat, hop au four, et je nettoie les dégâts.

17:00, retour chez l'épicier pour trois plaquettes de chocolat à cuisiner. Bain-marie, blancs d'oeufs en neige ferme, sucre... là, plus aucun problème. Zou au frigo.

17:30, j'attaque le plat. Décongeler, rincer, faire rissoler à droite, faire cuire doucement à gauche... Le stress monte d'un cran, plus qu'une heure et il faut encore tout ranger, préparer l'apéro, mettre les couverts... Mais je tiens le bon bout je pense. Ca commence à sentir bon, je réfléchis à ce que j'ai pu oublier.

L'entrée ! Y'a pas d'entrée ! L'impasse totale ! Quelle entrée puis-je faire, dont j'aurais tous les ingrédients ? Bilan de la recherche : aucune.

18:10, l'épicier me vend encore quelques produits frais. Il a osé rigoler quand je suis entré dans son magasin, mais là vraiment je n'avais pas le temps de tout mettre à feu et à sang pour venger cet affront. Ce sera pour une autre fois.

18:25, l'entrée est prête et au frais, la sauce est très bonne en plus. Je mets de côté les éléments pour le plat principal, je sors le premier lot de dessert du four, j'espère que ça aura le temps de refroidir, j'enfourne le second lot... Reste l'apéro à préparer, les boissons à sortir du frigo...

Quand la première invitée arrivera (à 19:10), je serais en train de finir de préparer l'apéro. Il m'aura fallu déplacer un canapé, constater que la zone ainsi découverte méritait un bon coup d'aspirateur et ranger quatre ou cinq bidules précédemment cachés par ledit canapé.

Mais ça y est, tout est prêt.
Et la soirée a été super sympa, nous avons bien rigolé et bien mangé.

Au fait, le menu final était : salade de concombres façon indienne (raïeta, orthographe non garantie), sabayon de coquilles Saint Jacques sur lit d'épinards à la crème, flans au lait de coco et à la banane, mousse au chocolat.