Vous n'êtes peut-être pas sans ignorer, du moins je l'espère, qu'entre le 20 et le 21 décembre, sur les 2ème et 3ème scéances du 20 et 1ère et 2ème scéances du mercredi (soit la nuit, très globalement), l'Assemblée Nationale va examiner le projet de loi DADVSI (Droits d'Auteurs et Droits Voisins dans la Société de l'Information). S'agissant d'un projet sur lequel l'urgence a été déclarée par le gouvernement, il n'y aura qu'une seule lecture et non pas deux. Si vous cherchez DADVSI dans votre moteur favori, vous devriez trouver pléthore de sites en discutant. Je vous recommande le site EUCD.INFO (au passage, vous pouvez signer la pétition et envoyer une lettre à votre député), mais il y en a beaucoup d'autres. Je reste surpris que les média traditionnels n'aient pas abordé le problème. Bref.

Je ne suis pas juriste, loin s'en faut. Voici donc ma lecture et mon interprétation de ce projet de loi, sous la forme d'exemples de ce qui pourrait survenir. Ce n'est rien de plus qu'une lecture et une extrapolation personnelles de ces articles de loi.

L'article 13 me plaît beaucoup. Il dit ceci (issu directement du site de l'Assemblée Nationale) :

Art. L. 335-3-1.- Est assimilé à un délit de contrefaçon :

  1. Le fait pour une personne de porter atteinte, en connaissance de cause, à une mesure technique mentionnée à l'article L. 331-5 afin d'altérer la protection, assurée par cette mesure, portant sur une oeuvre ;
  2. Le fait, en connaissance de cause, de fabriquer ou d'importer une application technologique, un dispositif ou un composant ou de fournir un service, destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, du fait mentionné au 1. ci-dessus ;
  3. Le fait, en connaissance de cause, de détenir en vue de la vente, du prêt ou de la location, d'offrir à la vente, au prêt ou à la location, de mettre à disposition sous quelque forme que ce soit une application technologique, un dispositif ou un composant ou de fournir un service destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, du fait mentionné au 1. ci-dessus ;
  4. Le fait, en connaissance de cause, de commander, de concevoir, d'organiser, de reproduire, de distribuer ou de diffuser une publicité, de faire connaître, directement ou indirectement, une application technologique, un dispositif, un composant ou un service destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, de l'un des faits mentionnés au 1. ou au 2. ci-dessus.

Art. L. 335-3-2.- Est également assimilé à un délit de contrefaçon le fait d'accomplir, en connaissance de cause, l'un des faits suivants lorsqu'il entraîne, permet, facilite ou dissimule une atteinte à un droit d'auteur :

  1. Supprimer ou modifier tout élément d'information visé à l'article L. 331-10 lorsqu'il porte sur une oeuvre ;
  2. Distribuer, importer, mettre à disposition sous quelque forme que ce soit ou communiquer au public, directement ou indirectement, une oeuvre dont un élément d'information mentionné à l'article L. 331-10 a été supprimé ou modifié ;
  3. Fabriquer ou importer une application technologique, un dispositif ou un composant ou fournir un service ou une information destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, de l'un des faits mentionnés au 1. ou au 2. ci-dessus ;
  4. Détenir en vue de la vente, du prêt ou de la location, offrir à la vente, au prêt ou à la location, mettre à disposition sous quelque forme que ce soit ou communiquer au public, directement ou indirectement, une application technologique, un dispositif ou un composant ou fournir un service destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, de l'un des faits mentionnés au 1. ou au 2. ci-dessus ;
  5. Commander, concevoir, organiser, reproduire, distribuer ou diffuser une publicité, faire connaître, directement ou indirectement, une application technologique, un dispositif, un composant ou un service, destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, de l'un des faits mentionnés au 1., au 2. ou au 4. ci-dessus.

La numérotation L-335 correspond au numéro d'ordre qu'auront ces articles une fois insérés dans le Code de la Propriété Intellectuelle.

Ca nous donne quoi, ça ? Voilà ce que je peux imaginer. Pure fiction, je le répète.

De retour d'un voyage à New-York, vous sortez un DVD acheté là-bas. Vous le mettez dans votre lecteur, et ce dernier refuse de le lire. Normal[1] : le DVD correspond à la zone 1, et l'Europe est en zone 2. Vous avez trois solutions :

  1. pleurer et jurer qu'on ne vous y reprendra plus,
  2. vous faire rembourser le DVD (à New-York),
  3. faire dézoner votre lecteur ou acheter un logiciel de dézonage.
La solution 1 est la plus simple, vous avez payé et ne pouvez pas profiter de votre achat, ce n'est pas grave, il ne vous reste plus qu'à le racheter une fois qu'il sera sorti en Europe. Double bénéfice pour le fabricant. La solution 2 est envisageable, sauf que l'emballage du DVD est ouvert, bonne chance donc pour la négociation. Et la solution 3 vous met en contravention directe avec la DADVSI, puisque vous portez atteinte à une mesure technique visant à protéger une oeuvre. Les logiciels de dézonage sont, de facto, hors la loi (application permettant la réalisation du fait mentionné, 335-3-1-1 ). Le brave technicien qui vous fera le dézonage de votre lecteur (ils savent tous le faire) sera hors la loi (335-3-1-1 encore). Mais vous pourrez toujours accrocher votre DVD au sapin de Noël pour faire joli.

Vous avez acheté une très belle imprimante à jet d'encre, profitant des nombreuses promotions de Noël. Elle marche bien et vous baignez dans la félicité graphique la plus totale. Mais les cartouches de recharge sont chères, très chères[2]. Vous regardez s'il n'existe pas des produits compatibles, forcément moins chers. Hébé non. Y'en a pas. Pourquoi ? Parce que l'imprimante est dotée d'une puce, et les cartouches ont de petits contacteurs, un poil de mémoire et un peu de logiciel dedans. Et sans le logiciel sur la cartouche d'encre, l'imprimante ne veut pas imprimer. Aucun fabricant de produits compatibles n'a le droit d'aller voir ces petits bouts de logiciel, puisque cela revient à contourner une mesure technique visant à protéger une oeuvre[3]. Pire, constatant la présence d'une cartouche "non autorisée", l'imprimante se met en panne, nécessitant une intervention onéreuse ou un changement d'imprimante (pour une autre de la même marque, car il vous reste des cartouches neuves, vu leur prix ça ferait mal de les jeter). Ca s'appelle un lock-in des utilisateurs, lorsqu'ainsi on s'arrange pour les tondre jusqu'à l'os. A quand les imprimantes qui n'acceptent que du papier de leur fabricant ?

Voyons un peu plus loin. Madame Karola achète un disque en plastique, d'environ 15 cm de diamètre, qui ressemble à ce qu'on appelle un CD[9]. Elle le met dans sa chaîne et elle écoute, heureuse, sa musique. Puis elle part en week-end, prenant avec elle cette jolie galette argentée. Dans son lecteur de voiture, rien n'y fait, le disque ne passe pas. Comme ce n'est pas la première fois qu'un tel problème survient, elle râle un peu mais écoute la radio à la place. Ou un véritable CD (au sens du format numérique, pas du contenu). Une fois chez sa chère mère, Madame Karola place son nouveau disque dans la chaîne de cette dernière et là, surprise, c'est comme sur l'autoradio : rien. La chaîne du domicile de Madame Karola est dotée des logiciels nécessaires pour lire ce disque protégé. Celle de Grand-Mère Karola, trop ancienne (la chaîne, pas la personne) ne l'est pas. Terminé. Plus d'interopérabilité, les disques musicaux ne peuvent être lus que sur certains équipements (surprenant hasard, ceux fabriqués par des "partenaires" de l'éditeur musical, mais pas les autres). Lock-In de nouveau[16].

Madame Karola a une fille, une charmante bambine d'âge tendre, qui partage équitablement ses passions entre le chocolat et le Dernier Groupe à la Mode. Il est connu qu'un disque musical ne fait pas très bon ménage avec des doigts couverts de chocolat. Après avoir constaté le décès prématuré de plusieurs galettes argentées, et avoir dû les racheter[10] afin de calmer les angoisses de Bambinette, Madame Karola se dit qu'après tout, si Bambinette bousillait des copies plutôt que l'original, ça ne serait pas plus mal. Madame Karola veut donc faire des copies des disques, mettant en lieu sûr les originaux et n'utilisant que les copies. Il s'agit là d'une copie privée, à des fins de sauvegarde, parce qu'elle sait que la durée de vie d'un support, une fois entre les mains de Bambinette, est assez réduite. Mais les disques originaux sont protégés contre la copie, et ne peuvent être copiés, sauf à disposer d'un outil approprié. Résultat, soit Madame Karola se met en contravention avec le 335-3-1-1 (elle utilise un outil afin d'altérer la protection d'une oeuvre), soit elle se résigne à racheter disque abîmé après disque abîmé.

En fait, Madame Karola a de la chance : elle peut réaliser une (et une seule) copie de chacun de ses disques, l'outil livré avec ceux-ci l'y autorise. Mais Bambinette aime vraiment le premier disque du Groupe A la Mode, et la copie est rapidement hors d'état d'écoute. Retour à la case départ. C'était bien tenté.

Monsieur Albert, développeur, ne trouve pas son bonheur sur le marché. Il invente donc un langage de programmation, que je baptiserai Alberta. Il en parle à Madame Berthe et à Mademoiselle Chloé, qui en parlent à Monsieur David et Monsieur Etienne (et ainsi de suite). D'un petit truc sur un coin de table (c'est ainsi que tous les langages de programmation sont nés, à l'exception d'Ada, ce qui explique sans doute son  phénoménal succès[5]), ça devient un moyen bidule, avec plein d'utilisateurs, et Monsieur Albert est heureux de voir Alberta faire son petit bonhomme de chemin. Quelque part, Monsieur Zotto aime bien le langage Alberta. Il a aussi acheté un DVD qui ne passe pas sur son lecteur de DVD, du fait du zonage. Monsieur Zotto décide donc d'écrire, avec Alberta, son propre outil de visualisation de DVD, parce qu'il le vaut bien. Le fait que Monsieur Zotto veuille uniquement "consommer" un produit qu'il a légitimement acheté n'empêche qu'il se met en contravention avec le 335-3-1-1. L'outil de Monsieur Zotto, que je baptiserai Zézette[6], marche bien et des amis de Monsieur Zotto, grands voyageurs aussi, s'en servent pour visualiser des DVDs qu'ils ont légitimement acheté en divers points de notre belle planète mais qui ne passent pas non plus sur leur lecteur de salon. Et ils parlent de Zézette à leurs amis. Tous coupables, évidemment (L-335-3-1-1 et -4, L-335-3-2-3 et -5). Et en plus ils en ont parlé ! Tous condamnés.

Et Monsieur Albert ? Tant qu'à faire, autant éviter les demi-mesures, il passe au tribunal comme complice du Gang Zotto. Tribunal où, tant bien que mal, il a réussi à prouver qu'il ne savait pas que Zézette existait (je lui souhaite bon courage !) et qu'il n'est pas complice. Est-il coupable, puisqu'Alberta a constitué la pierre angulaire de l'exécution du délit ? L'a-t-il fait en toute connaissance de cause ? A priori non, s'il réussit à prouver qu'il n'a jamais eu vent de Zézette auparavant. Mais, maintenant que le Gang de Zotto a été condamné, Monsieur Albert ne peut plus ignorer que son outil permet de, et il doit arrêter son développement et sa diffusion. Alberta meurt donc[14], de la main de son créateur. Toutes les recherches sur la théorie du calcul, sur les langages de programmation, sur tout ce qui peut toucher l'informatique fondamentale sont arrétées en France, puisque illégales car permettant indirectement de fabriquer des outils de contournement de mesures techniques de protection d'oeuvres.

Le Professeur Gilbert enseigne la programmation dans une école. Disons qu'il enseigne le langage C, mais ce pourrait être n'importe quel langage de programation[7]. Pas de chance, l'une de ses étudiantes, Melle Jie Bai, est venue en France avec sa collection de DVDs (Zone 3), et elle ne peut les lire sur aucun des lecteurs de ses amis (il est hors de question pour elle de les racheter). Elle fait donc comme Monsieur Zotto, elle écrit un programme qui va juste lui permettre de lire ses DVDs. Elle est évidemment condamnée[17]. Et Monsieur Gilbert ? Il a fait connaître un dispositif ou un service (ici, le langage C) permettant de. Il est coupable, et dûment condamné[18]. La DADVSI rend illégal d'enseigner la programmation en France, puisque tout un chacun sait qu'il est possible d'écrire des outils permettant de réaliser l'un des faits mentionnés dans le L-335-3-1-1/4 et L-335-3-2-1/2. Nous sommes encore dans la situation du "en toute connaissance de cause"[8].

Monsieur Roger, lui, ne veut pas d'ennuis. Il a développé un outil de lecture de disques audio, qu'il a placé dans le domaine public, en Code Libre, avec une licence de type GPL. Son outil est plutôt bien fait et rencontre un succès certain. Monsieur Roger demande aux éditeurs de musique comment faire pour se mettre en conformité. Que lui répond-on ? La conciliance est extrême : il suffit qu'il ajoute, dans son logiciel, des fonctions de gestion des droits d'auteurs (GND, Gestion Numérique des Droits, ou DRM, Digital Rights Management si vous préférez la version anglo-saxonne). Et on lui fournit même les outils appropriés[11], en version binaire[12]. Monsieur Roger intègre les appels de fonctions là où il faut, son logiciel respecte bien les méthodes techniques de protection, il est donc à l'abri des foudres de la loi. Bon citoyen, Roger[13]. Et il diffuse son outil comme avant, en ayant remplacé la licence GPL par une autre ad hoc (fournie avec l'outil de GND, soyons fous). Mais il diffuse son outil en Code Ouvert. Donc, n'importe qui d'un peu informé peut aller dans le code source et retirer les appels aux fonctions de GND avant de recompiler l'outil. En conséquence de quoi Monsieur Roger, qui ne peut pas ignorer qu'on peut modifier le code source s'il le diffuse, est en "toute connaissance de cause" s'il continue à diffuser son code source : celui-ci contient indirectement tout ce qu'il faut pour contourner la GND. Monsieur Roger doit donc cesser de diffuser un outil ouvert, modifiable par qui veut, et ne peut plus diffuser que des versions binaires, pré-compilées. Comme il n'a pas les moyens ni l'envie de produire des versions exécutables pour la très grande variété des environnements d'exécution possibles (parce que Monsieur Roger est un rebelle et n'utilise pas Windows), il décide d'arrêter la diffusion de son outil. Le projet meurt en France[14]. Tout logiciel en Code Ouvert, dès lors qu'il pourrait permettre de toucher à un fichier dont le contenu est protégé par un droit d'auteur, a ce même problème et doit disparaître de notre beau pays. Le Logiciel Libre devient illégal[19] en France.

La société Libertad Über Alles développe des outils autour du logiciel libre, comme monsieur Roger l'a fait. C'est une petite entreprise d'une vingtaine de personnes, qui marche bien. Pas facile tous les jours, mais elle sort son épingle du jeu. Elle s'est fait une spécialité des applications d'échanges de fichiers en entreprise. On appelle ça de la GED, Gestion Electronique de Documents. Le même problème que pour Monsieur Roger se pose. L'application peut servir à échanger des fichiers ayant été copiés malgré des mesures techniques de protection (335-3-2-2). LÜA ne peut pas l'ignorer. Pour les mêmes raisons qui ont poussé Monsieur Roger à arrêter le développement de son outil, LÜA arrête de faire de la GED. Et licencie quinze personnes, avant de fermer définitivement, ne réussissant pas à retrouver un autre créneau qui ne soit pas miné par la DADVSI.

Bon, d'accord, l'exemple précédent est tiré par les cheveux : l'application phare de LÜA n'est pas destinée à porter atteinte à des mesures techniques de protection (335-3-1-1); elle ne facilite pas la création d'un outil de contournement des mesures de protection (335-3-1-2) ni ne permet de le faire (335-3-1-3). Elle permet de distribuer des fichiers. Point. Mais l'application de LÜA, comme toute application permettant d'échanger des fichiers, relève du 335-3-1-4 : un outil d'échange de fichiers permet potentiellement de diffuser des composants ou des programmes destinés à contourner les mesures techniques (application du  335-3-1-4 concernant le fait mentionné au  335-3-1-2). Nous en revenons au même résultat, LÜA meurt[14].

Et Internet devient illégal en France, puisque ce réseau (dispositif) sert à diffuser des logiciels qui.

Okay, okay, on pourrait aller jusqu'à dire que je grossis le trait. Reprenons, il me reste deux petits exemples et après je vous libère.

Mademoiselle Joliette a créé une plate-forme de blogs/hébergement web, qui marche très bien. Elle a fait le choix de ne prendre que des produits du commerce, qu'elle a payé très cher, mais elle se dit qu'en cas de problème ce seront les éditeurs qui iront se frotter à la DADVSI. Sa plate-forme ronronne bien, elle emploie cinq personnes, elle est heureuse. Un jour, elle reçoit une notification d'un cabinet d'avocats disant que l'un de ses utilisateurs, sur son blog, explique en quatre phrases comment contourner une GND sur des disques musicaux. Il lui est demandé, en tant qu'hébergeuse, de supprimer cette information sous peine de. La boutique Joliette SARL fonctionne bien, mais pas au point de se permettre un procès, et puis une note de virée ça ne mange pas de pain. Pas de chance, le blogueur le vit mal et parle de censure, sur son blog, à ses amis et dans plein de commentaires. D'autres notes, sur la plate-forme de Joliette SARL et ailleurs, évoquent l'incident et le pourquoi de l'incident, expliquant de nouveau comment désactiver cet outil de GND. Joliette SARL reçoit une lettre très dure du cabinet d'avocats, qui ne peut que constater que loin d'avoir jugulé l'information, elle est maintenant dupliquée sur de très nombreux blogs. Joliette SARL, malgré la notification préalable (et donc en toute connaissance de cause), a fait indirectement connaître un dispositif permettant de contourner une mesure technique de protection d'une oeuvre. Joliette SARL est coincée entre ses utilisateurs qui refusent une telle censure et partent ailleurs, et l'impossibilité technique (faute de personnel) de surveiller toutes les notes et les commentaires. Joliette SARL jette l'éponge et arrête ses activités. Progressivement, toutes les plate-formes françaises de blogs disparaissent[15], pour la même raison. Puis les hébergeurs[15], qui ne veulent pas prendre le risque de diffuser, directement ou indirectement, une quelconque information permettant de contourner une mesure technique.

Le blogueur ayant, bien involontairement, provoqué l'implosion du Web français, est ennuyé. Plus de réseau, rien. Alors, il fait ce qu'on faisait avant l'Internet : il discute avec ses amis au téléphone. Et il leur raconte ce qu'il avait écrit sur son défunt blog, comment avec un simple marqueur on peut désactiver une certaine GND. Mais à chaque fois qu'il veut en parler, la conversation est coupée. En effet, son opérateur téléphonique, pour éviter d'être condamné sous le 335-3-2-5 ("...faire connaître, [...] indirectement, [...] un dispositif permettant la réalisation de...") a mis en place des logiciels qui écoutent toutes les conversations et coupent celles qui abordent des sujets sensibles.

Le blogueur rencontre alors ses copains pour papoter de ce dont des blogueurs parlent, et à un moment le sujet de la censure de son blog fait surface. Rebelotte, il explique le coeur de l'affaire. Deux types balèzes, avec des lunettes noires, interrompent la conversation et dressent un procès verbal d'infraction à la DADVSI, article 335-3-2-5. Toutes les personnes placées à moins de dix mètres sont dûment identifiées et leur nom est consigné sur le procès-verbal.

Délires sans aucun fondement juridique sensé ? Je l'espère sincèrement. La seule manière pour que ça reste définitivement des élucubrations abracadabrantesques est que la DADVSI soit repoussée.

[1] Vous ne saviez pas ? Un DVD peut (ce n'est pas une obligation, hahaha) être zoné. C'est la signification du 2 dans une terre stylisée que l'on trouve souvent au dos des DVDs qu'on achète en Europe : ne peut être lu que par un lecteur Zone 2. Comme si un livre acheté à New-York (Zone 1) ne pouvait être lu à Paris ou Londres (Zone 2).
[2] Le modèle économique des imprimantes à jet d'encre est de vendre l'imprimante à perte (ou à marge nulle) et de se gaver sur les consommables.
[3] On peut arguer qu'une cartouche d'encre n'est pas une oeuvre. Certes. Quel (petit) fabricant de consommables compatibles va risquer un procès, même s'il a de bonnes chances de gagner, face à l'artillerie juridique d'un Gros Fabricant[4] ? La menace du dépôt de plainte suffira pour tuer la concurrence.
[4] Il y a eu au moins un procès de ce genre aux USA (Lexmark vs. Static Point), qui disposent du DMCA, une loi presque angélique par rapport à la DADVSI. Procès semble-t-il gagné en appel par le défendant. Qu'en serait-il en France dans une situation équivalente ?
[5] HUMOUR. Je virera tout troll au sujet des avantages ou inconvénients des différents langages de programmation existants ou à venir. Ce n'est pas le sujet.
[6] Oui. Cette Zézette-là, après tout nous sommes à la période de Noël et j'ai l'impression qu'on nous prépare de sales cadeaux.
[7] Sauf, peut-être, le Cobol. Et encore. Les Cobolistes sont capables de tout.
[8] Si la DADVSI passe, les enseignants en informatique ont sacrément intérêt à s'inquiéter.
[9] Avez-vous noté que les disques avec des protections contre la copie ne portent jamais le logo Compact Disc ? Parce que Philipps (propriétaire de la marque CD) refuse de les homologuer, puisqu'ils ne respectent pas le standard d'interopérabilité des CD.
[10]Allez tenter d'échanger un disque abîmé chez votre fournisseur favori. Vous m'en direz des nouvelles.
[11] Je mets de côté le problème, évident, que les outils fournis le soient dans une version utilisable sur la plate-forme sur laquelle Monsieur Roger travaille.
[12] Si un certain algorithme de GND est fourni en version source, il devient possible de comprendre comment il fonctionne et donc de passer outre les protections qu'il met en place, sur tous les supports qui l'utilisent. Voir aussi Why DRM does not work. Version originale texte ou html, version française.
[13] Je n'ai rien contre les Rogers.
[14] Mais renaît ailleurs (== les emplois associés, s'il y en a, ne seront pas en France) à partir de la dernière version source diffusée par son auteur.
[15] Le premier qui dit que, pour certaines plate-formes, ce n'est pas une grande perte, gagne l'autorisation de sortir discrètement.
[16] Celui-ci est peu probable : les consommateurs devraient ramener en masse les disques. Toutefois, combien de disques ne passant pas sur un autoradio ont-ils été ramenés ?
[17]En plus, c'est une pas-française, double faute.
[18]Qui plus est, intelligence avec l'ennemi, on en a fusillé pour moins que ça.
[19]On s'étonne moins que la Business Software Alliance soit derrière ce projet de loi, avec la Sacem, Vivendi Universal et quelques autres.