Je ne serai pas là cette semaine, je dois assister à un séminaire de recherche clinique sur les mutations et les remplacements synaptiques chez les intellectuels.

Pour la première fois au monde, nous allons pouvoir examiner en temps réel les modifications neurobiologiques induites dans l'hémisphère gauche chez un philosophe par l'écoute d'un album de Lorie.

Le protocole scientifique de cette étude a été validé au préalable par un aréopage dûment compétent. S'agissant d'une expérience dont certains mauvais esprits prétendent qu'elle pourrait être destructrice, il ne sera peut-être pas possible de la réitérer par la suite si ces esprits chagrins se révélent dans le vrai.

La sélection des sujets a été faite avec un soin tout particulier. A notre époque dissolue, il en est des philosophes comme des vierges : on sait à peu près ce que c'est, mais on n'en trouve jamais quand on en a besoin (je vous déconseille vivement de tenter l'invocation d'un démon du troisième niveau ou au-delà si vous ne disposez pas d'une vraie vierge à sacrifier). L'étude eût été entachée d'approximations inacceptables si, dans la population témoin, un seul non-philosophe réussissait à se glisser.

Initialement, le comité scientifique a utilisé une technique moderne : passer une annonce au journal télévisé, et dépouiller avec soin les candidatures. La réception subséquente de 34 278 623 lettres, dont 34 278 421 étaient signées d'un certain BHL et accompagnées chacune d'un livre (en aparté : si quelqu'un pouvait nous débarrasser de ces bouquins, ça nous arrangerait; e-bay a refusé qu'on les vende, prétextant une obscure règle de bienséance), a fait sentir au comité toute l'ampleur de sa tâche.

J'ai cru comprendre qu'ils ont revu leur stratégie de sélection, éliminant impitoyablement (malheureusement au sens figuré seulement) tout individu qui s'était approché de moins de 100 mètres d'un plateau télévision, et s'assurant à l'aide d'une batterie de tests tous plus subtils les uns que les autres que les sujets étaient de véritables philosophes. Riri-du-comptoir s'est révélé un assistant décisif dans cette phase.

Après tous ces efforts de sélection, nous allons pouvoir lancer l'expérience. Le groupe de philosophes a été divisé en deux, afin de pouvoir comparer ces deux populations. Chaque philosophe sera muni d'écouteurs, mais aucun ne saura dans quel groupe il se trouve. L'un des groupes écoutera du Lorie, l'autre aura seulement des sons aléatoires enregistrés lors d'un trajet pédestre dans les rues de la capitale. Tout est donc fait pour que personne ne puisse savoir s'il écoute du Lorie ou non.

Les résultats devraient être passionnants.


Ceci est ma participation (tardive, hors concours) au Sablier J-4 de l'éminentissime Kozlika .