Scott relâcha l'instantané et recula. Un bref toussotement lui indiqua que le légiste de garde était là.

"Je vous le laisse" fit-il au légiste avant de se retourner vers le régisseur. "Il avait un bureau ou quelque chose comme ça ?
- Oui bien sûr, je vais vous y amener.
- Pas tout de suite. Caruso, allez vous assurer que personne n'entre dans son bureau.
- J'y vais, fit le jeune homme qui prit les quelques informations nécessaires et s'éclipsa.
- Ce... Brénès avait-il des ennemis ?
- Heuuu... je ne sais pas si...
- Ecoutez mon vieux, vous me dites ce que vous savez ici et maintenant, ou toute la troupe de zozos qui nous regarde passe la nuit au poste à chanter sur une partition qui ne leur est peut-être pas très familière.
- C'est-à-dire que... pour tout vous dire, la mise en scène de M. Brénès a provoqué quelques remous dans le petit monde opératique. C'est un univers assez fermé, avec ses codes et ses meneurs, voire ses tribus. Certains prônent une orthodoxie, un respect des oeuvres et des interprètes que les metteurs en scène n'ignorent qu'au risque d'une volée de bois vert.
- En bref, vous me dites que le mort aurait encouru le déplaisir d'un mélomane ? Et que ça serait allé jusqu'au meurtre ?
- Meurtre, monsieur ? Ce n'est pas un suicide ?
- Le message sur le carton ne laisse guère de doute à ce sujet. Quand a-t-on vu M. Brénès vivant pour la dernière fois ?
- Il a salué le public à la fin de la représentation.
- Combien de temps avant la découverte de son corps ?
- Un quart d'heure environ.
- Donc le meurtrier était là, et l'attendait dans les coulisses ou quelque part.
- Ca m'étonnerait", fit une voix derrière le commissaire.

Scott fit lentement volte-face et regarda le légiste. Aaron, un type au nom imprononçable mais capable de faire dire à des corps en putréfaction avancée les derniers livres qu'ils ont lu de leur vivant ainsi que d'obtenir leur avis sur la météo de la semaine prochaine.

"Qu'est-ce que vous dites ? demanda le commissaire
- Ce type n'est pas mort par strangulation. Et il est mort il y a au moins quatre heures, voire six. Pas plus de douze, toutefois."

Une longue fréquentation des légistes en général et de celui-ci en particulier amena Scott à accepter cette information comme un fait incontournable. Cela impliquait donc la préméditation - aucun meurtrier accidentel n'aurait fait une pareille mise en scène. Trimbaler un macchabée dans les coulisses de l'Opéra, se faire passer pour le metteur en scène... Et Luciole, que venait-elle faire là-dedans ?

"Amenez-moi à son bureau."

Caruso montait la garde devant une belle porte en bois massif, vernie et patinée par les ans. Le régisseur, muni d'une clé prise à la conciergerie, déverrouilla la serrure.

"Restez dehors, s'il-vous-plaît.
- Je peux entrer, monsieur le Commissaire ? demanda un Caruso fébrile d'impatience contenue.
- Pas la peine de vous dire de ne toucher à rien alors. Nous ne faisons que regarder."

La porte s'ouvrit sur des gonds bien huilés et révéla une pièce richement meublée. Les deux hommes y entrèrent. Les maquettes des décors trônaient en demi-cercle sur deux tables juxtaposées. Au centre du demi-cercle, un bristol plié en deux et posé verticalement. Sans le toucher, Scott regarda le bristol. Quatre mots d'une écriture élégante.

Amour, Haine, Folie, Mort.

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