Une fois le gorille passé, ce dernier m'ayant donné l'Ausweiss nécessaire à la libre circulation (et surtout à la future sortie) en ayant un produit sous le bras, je me dirige vers les vendeuses placées devant le rayon où je fis ma sélection de produit. Ayant obtenu leur attention pleine et entière, je leur montre la boîte, en l'agitant très légèrement de droite à gauche (ce que je nomme le geste Orangina) et disant :

"Bonjour, j'ai un problème avec ce prod...."

Ma phrase, pourtant impérissable, restera à jamais inachevée. Le rabat de la boîte, que je tenais par son côté le plus étroit donc verticalement, transformant ce rabat latéral en rabat inférieur, s'ouvre. Le contenu fait une verticale d'environ 1 mètre 50 en subissant une accélération de 9,81 mètres/seconde par seconde, pour aller assez lamentablement choir sur le sol avec un plonk neutre mais net. Et l'une des vendeuses de me dire avec un léger sourire :

"Ha ben oui, évidemment, maintenant il marchera nettement moins bien. Vous avez de la chance, parce que nous ne sommes pas chargées du rayon informatique, c'est notre collègue là à trois mètres d'ici, et comme il regarde le décolleté de la cliente en face de lui il n'a rien vu de ce qui vient de se passer."

Je remballe et vais voir le collègue en question qui, une fois qu'il a récupéré ses globes occulaires dans le soutien-gorge de la cliente, me dirige vers le SAV, situé au fin fond du magasin, loin du passage des clients, par crainte sans doute de leur rappeler que tout n'est pas toujours aussi beau qu'on nous le susurre et que parfois nos jouets tombent en panne.

Là, j'attends. Personne. Je vois bien des vendeurs, mais ils sont chargés du retrait des achats, pas du service après-vente. Après cinq bonnes minutes sans voir une seule âme charitable se pencher sur ma misère, j'interpelle gentiment un retireur-d'achats en lui demandant de signaler aux personnes en charge du SAV qu'il y a maintenant trois clients qui attendent. On me répond, après enquête, que la collègue est au téléphone, mais qu'elle ne saurait tarder. Ce qui est heureux parce que les doigts commencent à me démanger, et il y a un clavier juste à portée, là, celui qui permet d'enregistrer les retours en SAV. Je n'aurai pas le loisir de jouer avec[1], une damoiselle bien sous de nombreux angles arrive enfin pour écouter mes doléances.

Cela fait, après avoir entré quelques informations hautement critiques sur son ordinateur, elle m'abandonne à mon triste sort, va en rayon chercher un produit de remplacement et revient avec la boîte idoine. Je m'attends à ce qu'elle me la donne en échange de la mienne, après avoir vérifié que je restitue bien tout, un troc compréhensible et facile, mais non. Quand on est Agité, on utilise des procédures qui dépassent l'entendement du commun des mortels. Elle ouvre la nouvelle boîte ainsi que celle que je ramène, prend le nouveau switch, le déballe de son sachet plastique, prend le switch défaillant, le déballe de son sachet plastique, met le nouveau switch dans le sachet plastique de l'ancien (et vice-versa) et remet les deux trucs dans les boîtes[2]. Même opération avec le transformateur : échange du contenu des emballages. Je regarde ça avec une morbide fascination. Va-t-elle oser ? Elle ose. La documentation y passe. Oui, oui : on retire l'emballage plastique des docs, on échange les docs, on remet l'emballage plastique (un peu déchiré, mais c'est pas grave), on range le tout dans les boîtes.

Puis elle retapote sur son clavier et, avec un grand sourire, me donne... la nouvelle boîte, qui contient donc tout ce que je viens de ramener. Ce qui m'oblige à lui dire que
"Non, ce n'est pas ça que je veux.
- Comment ça ? Vous ne voulez pas faire l'échange ?
- Si, mais les nouveaux produits sont dans l'ancienne boîte, celle-ci, là."

Elle me regarde, j'entends presque les rouages cliqueter dans sa tête. Les neurones établissent soudain une connexion, elle se frotte le front avec la main et dit
"Houlààà, je suis fatiguée moi, excusez-moi.
- Et nous ne sommes que lundi, la semaine va être dure."

Je suis reparti avec mon ancienne boîte sous le bras, dûment remplie avec des produits neufs.

Notes

[1] Ce n'est que partie remise.

[2] Sans se tromper : le nouveau switch finit dans ma boîte.