Dans ce dossier, le MEX était accusé d'agressions sexuelles sur un mineur de 15 ans[1], et incarcéré. D'après les quelques éléments du dossier qui m'ont été transmis, les faits ne paraissaient guère contestés. L'interrogation du magistrat instructeur était surtout de savoir si ces faits ressortaient d'un événement unique, dramatique et évidemment répréhensible, ou d'une inclination pédophile plus marquée. Cela ne change rien pour la victime mais peut amener les tribunaux à avoir une attitude plus ou moins sévère. Il est utile de préciser que le mis en examen se défendait avec vigueur de tout penchant pédophile et plaidait l'accident regrettable.

J'ai reçu une bonne dizaine de scellés à traiter. Du fait du nombre, et donc du coût qu'une analyse complète peut représenter, j'ai suggéré au magistrat qu'il classe les scellés par priorité, pour les traiter un par un. Avant de passer au scellé suivant, je devais l'informer des éléments trouvés, et attendre son autorisation. C'est une façon comme une autre de participer à la maîtrise des dépenses publiques. Dans une telle démarche, pour éviter le risque d'une expertise qui ne verrait que les éléments à charge, il est important d'informer le mis en examen des éléments trouvés, ceux-ci pouvant être contrebalancés par d'autres éléments sur d'autres scellés non encore examinés -- et qu'il conviendrait alors de traiter.

De ce que j'ai trouvé sur le premier scellé, il ne fait guère de doute que le mis en examen avait, pour le dire pudiquement, un certain intérêt pour les enfants. La logique semblait être je télécharge sur eMule, je valide le contenu du film, je le copie ailleurs et je l'efface. Donc très peu de fichiers présents sur le disque, mais exhumation de plusieurs dizaines de vidéos effacées, certaines parcellaires, mais toutes explicites.

Comme convenu, j'ai informé le magistrat instructeur de mes trouvailles, en lui demandant l'autorisation d'examiner le scellé suivant, un (gros) disque USB pouvant être l'espace de stockage des vidéos. Quelque temps après cette demande d'autorisation, j'ai reçu l'information comme quoi l'action publique s'éteignait.

J'imagine, peut-être de façon erronée, ce qui a pu se passer.

Le magistrat instructeur a probablement demandé au mis en examen s'il maintenait ses dénégations quant à son penchant pour des vidéos pédo-pornographiques, en s'appuyant sur les éléments que je lui avais transmis. Comme cela peut arriver pour quelqu'un pris dans les rêts de la justice et faisant soudain face à des preuves accablantes qu'il espérait détruites à jamais, il n'a vu d'autre issue qu'une fuite définitive.

Je ne peux m'empêcher de penser que mon travail a peut-être amené un homme à mettre fin à ses jours. Ce n'est pas très confortable.

Note

[1] Ce qui signifie sur un mineur de moins de 15 ans.