Cette farce relate les aventures de Louisa que son père, don Jérôme, a promise à un riche marchand de poissons, Mendoza. Louisa aime Antonio, jeune, beau, bien né mais pauvre. Aidée de sa gouvernante, qui n'a pas de nom, Louisa se fait la valise, la gouvernante prenant sa place et, à terme, son mari Mendoza.
D'un autre côté, nous avons Clara, copine de Louisa et ex d'Antonio, qui est la cible de don Ferdinand, frère de Louisa. Cet âne de Ferdinand ayant débarqué en pleine nuit dans la chambrette de Clara, cette dernière prend très mal la chose, et le voile peu de temps après[1]. Louisa, pas avare d'une entourloupe, déguisée en Clara, se fait inviter chez Mendoza pour y retrouver Antonio. Mendoza, voyant l'occasion de se débarasser d'un rival à peu de frais en rabibochant Antonio et celle qu'il croit être son ex, se considère génial.
Sans oublier la scène de jalousie de Ferdinand qui, voyant Louisa-déguisée-en-Clara au bras d'Antonio, considère que ce dernier revient marcher sur ses brisées et veut le trucider. Cet acte de jalousie prouve à Clara, les femmes sont ainsi faites, que Ferdinand l'aime vraiment, ce qui la convainc de tomber le voile et, probablement, tout le reste après le mariage.
In fine, Louisa épouse Antonio, Clara épouse Ferdinand, Mendoza épouse la gouvernante, et tout le monde se retrouve chez Jérôme qui tombe des nues en constatant que son associé Mendoza n'a pas épousé sa fille, que sa fille a épousé un beau noble désargenté, et que son fils a épousé une belle noble pleine de sous, ce qui finalement sauve la soirée.
Bref, le livret, hein, c'est le bordel, faut suivre.
Mais on suit. Très bien même.
Allons-y maintenant dans la distribution des bons points, car je n'en ai pas de mauvais à donner.
Nous avons l'habitude de voir de vieux tromblons jouer des rôles de jeunes débutantes. Ca fait partie du jeu et ça ne gêne nullement. Là, ce fut l'inverse. Mme Elena Sommer, que je situe sur la fin de la trentaine ou début de la quarantaine[2], jouait le rôle de la gouvernante. Ben mon coco, cette dame a tenu son rôle, y compris dans le jeu de scène. Rien à redire, bravo Madame et merci.
Les vieux, Mendoza (Mikhail Kolelishvili) et don Jérôme (John Graham-Hall), sont dans leurs personnages du vieux barbon riche qui s'achète une jeunette, la dot et le titre qui va avec, et du vieux noble riche qui veut l'être encore plus quitte à fourguer sa fille à un roturier. Ma CeT a regretté que M. Graham-Hall ne soit pas russophone natif d'où, d'après elle, quelques difficultés à comprendre ce qu'il chantait. De mon côté, de toute façon, je m'accrochai aux sur-titres et ça m'a suffit.
Difficile de ne rien dire des prestations d'Anastasia Kalagina (Louisa) et d'Anna Kiknadze (Clara) ou de Daniil Shtoda (Antonio) et Gary Magee (Ferdinand). Ces quatre-là nous ont donné des tourtereaux sympathiques, bruts de décoffrage pour les trois derniers, plus retorse et patinée pour Mme Kalagina[3]. Un petit bémol pour le duel entre Ferdinand et Antonio, que l'on imagine plutôt dans le style ancien avec de belles épées qui font shling, et que la mise en scène nous a fait avec des petits couteaux. Ca manque un poil de souffle.
Puisque j'y suis, évoquons la mise en scène (Martin Duncan) et les décors et costumes (Alison Chitty).
Pour une farce se déroulant probablement au 18ème siècle, habiller tout le monde à la mode 1930, ça surprend. Mais juste un peu, parce qu'en fait on s'en fiche complètement. Tout est cohérent, rien ne choque l'oeil, et en plus j'aime bien ce style même si je doute que ce soit pour cette raison qu'il a été choisi. Là où ça coince un peu, comme déjà évoqué, c'est pour le duel qui fait quand même assez cheap.
La mise en scène est un peu déroutante les première minutes. On se croirait sur un chantier. Des éléments mobiles sur le plateau, montés sur roulettes : des portes, quelques panneaux symbolisant des murs, un échafaudage avec une fenêtre en hauteur (pour la sérénade, il est utile que les interprètes ne soient pas au même niveau). Plus surprenant, les changements de tableaux et réorganisations du décor se font sur la fin du tableau qui précède, sans temps mort. Cela permet un enchaînement sans la moindre pause ou presque, et je pense que ça renforce l'efficacité de la pièce. Une entourloupe, ça doit aller vite, sinon la victime a le temps de réfléchir. L'absence de temps mort contribue à cet effet.
Enfin, parce que la pièce se déroule pendant une période de Carnaval, elle comporte plusieurs temps dansés. Interprétations très modernes, chorégraphiées par M. Ben Wright, qui s'intègrent fort bien dans l'ensemble.
La dizaine de minutes d'applaudissements continus, à la fin de la représentation, me laisse croire que je n'ai pas été le seul à vraiment savourer le spectacle.