Disons que Z vient à décéder. C'est regrettable (surtout pour cette personne, quoi que cela peut se discuter), mais ça finit toujours par arriver. Il faut alors ouvrir sa succession, et pour cela trouver les (éventuels) héritiers. Imaginons que Z n'a pas de famille directe, ou qu'il s'agit d'une personne née ailleurs loin d'ici et venue vivre ses jours chez nous, ou que... Bref, la succession n'est pas évidente à déterminer. Que fait le notaire ? Il va contacter une société spécialisée dans ces recherches. La société concernée est prestataire du notaire pour retrouver d'éventuels (heureux, peut-être, ça se discute aussi) héritiers de Z. Jusqu'ici, rien que de très classique, une relation client/fournisseur, le premier payant les diligences du second.
La société fait son travail, identifie les héritiers et... vous vous dites, ben, elle les signale au notaire et facture sa prestation, le notaire contacte les héritiers et hop c'est une affaire qui roule.
Hé non. Vous n'y êtes pas du tout.
La société contacte les héritiers et leur tient ce discours que, très humblement, je trouve totalement magique (pour information, ça se nomme un contrat de révélation) :
Vous êtes l'héritier de quelqu'un que je vous dis pas qui c'est, si vous voulez le savoir je prendrai 20% de votre part de l'actif brut du défunt, signez ici.
Je crains fort qu'une telle lettre ne passe pas les filtres anti-spam, tellement elle est proche des arnaques bien connues par ailleurs. Je ne conteste pas que les recherches faites par la société peuvent être longues et compliquées, que cela représente un travail qui peut être significatif, et qu'il est normal qu'elle se fasse payer. Mais les héritiers n'ont rien demandé à la société, c'est le notaire qui l'a mandatée. Donc, que l'on vienne dire j'ai fait du boulot que vous ne m'avez pas demandé mais qui devrait vous profiter, voilà ma facture
me choque.
En outre, si je ne me trompe pas, l'héritage est un droit. Ce n'est pas quelque chose qui se négocie « tu es héritier ou pas »[1]. Là, ça ressemble à monnayer l'expression de ce droit : soit tu payes et je t'inclus dans la liste des héritiers que je vais transmettre au notaire, soit tu payes pas et... et quoi ? Ma qualité d'héritier sera ignorée, et donc mon droit d'hériter de mon colatéral au cinquième degré, décédé sans enfant ni frère ni sœur ni..., sera bafoué ? La société connait la liste des héritiers, mais ne la transmettra pas ou pas complètement au notaire ? Si c'est ça, ça pue. Sérieusement. Et si, en l'absence d'acceptation du contrat, elle est malgré tout obligée de transmettre la liste complète (non-signataires compris)... ben ça pue aussi, en cela qu'elle se fait payer pour quelque chose qu'elle doit obligatoirement faire et pour laquelle elle s'est déjà fait payer par le notaire.
Vous me dites Okay, ça pue, mais la société a quand même beaucoup bossé pour vous retrouver, il est compréhensible qu'elle demande une participation.
Mouais. Je ne suis pas convaincu, vraiment pas, mais peut-être y a-t-il des décisions de justice voire des textes qui organisent ça et l'autorisent.
Toutefois, le plus beau n'est pas tout à fait là.
Il est dans les termes du contrat envoyé par la société aux héritiers : je prendrai 20% de votre part de l'actif brut du défunt
. Brut, donc avant déduction d'éventuelles dettes, frais, emprunts à rembourser, tout ça.
Ce qui signifie quoi ?
Z était assis sur un petit tas d'or de 500 000 €. La société, après de longues recherches, a identifié 10 héritiers[2]. 20 % de ce montant, ça fait 100 000 € pour la société, soit 10 000 € de frais à régler par héritier. Sauf que Z avait diverses dettes pour un montant de 200 000 €. Le conseil départemental, qui payait les frais de l'Ehpad de Z, monte au créneau pour se faire rembourser parce que finalement Z n'avait pas besoin des aides qu'il a touchées. Quelques autres créanciers se présentent. Bref, les 500 000 € fondent et se réduisent à seulement 200 000 €. Ça, c'est l'actif net de la succession. Chaque héritier touchera donc 20 000 €. Mais les frais de la société, eux, ne bougent pas et restent les mêmes, soit 10 000 € par héritier. Résultat pour les héritiers dans cet exemple ? 50 % de leur part nette est à reverser à la société de recherche d'héritiers.
Que se passe-t-il si l'actif net se révèle inférieur à 20% de l'actif brut ? Je ne sais pas. J'ose espérer que la société de recherche d'héritiers aura la décence de réduire significativement sa part voire (si, in fine, l'actif est négatif) de l'annuler purement et simplement, mais le contrat signé par les héritiers stipule bien 20% de l'actif brut
et il n'y a peut-être pas de clause de négociation au cas où. Donc, tout peut arriver y compris une obligation de payer une somme supérieure à celle que l'on va toucher.
En résumé : faites des testaments, brodel ! Surtout si vous êtes sans descendance réservataire.